LA CARTE D'ÉTAT MAJOR

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Les cartes d'état-major ont été mises au point à partir du début du XIX° siècle, en remplacement des cartes de Cassini dont l'absence de mise à jour devenait de plus en plus génante. D'une importance stratégique, la carte d'état major est l'œuvre du dépôt de guerre (créé en 1688 par Louvois). En 1887, le dépôt de guerre a été rattaché à l'état major général, sous le nom de service géographique de l'armée. On ne doit pas sous-estimer le travail et le coût que l'établissement d'une telle carte demandait. Le tracé de la carte au 80000° a débuté en avril 1818 et a duré plus de soixante ans. Enfin le travail de reproduction était lui aussi complexe.

Conception: La France fût divisée en grand quadrilatères d'environ 200 kilomètres de côté, séparés par des chaînes principales de triangles, les deux premières étant la méridienne de Paris et la perpendiculaire Strasbourg-Brest (principe déjà adopté par Cassini). Ces quadrilatères sont remplis de triangles de premier ordre, rattachés aux chaînes, eux mêmes remplis de triangles de second ordre qui sont fianalement remplis de triangles de troisième ordre.

Les chaînes de quadrilatères: les dates correspondent au début des travaux de remplissage des triangles du premier ordre (durant 2 à trois ans)

S'appuyant sur cette triangulation des ingénieurs géographes et sur la définition du l'ellipsoïde du Plessis 1817, les officiers d'état-major (d'où le nom de ces cartes) ont réalisés les levés au 1/40000. Le méridien de référence était celui de Paris et le parallèle de référence le 45°N.

Un calque accompagnait les minutes et recevait le traçage des courbes de niveaux destinées à aider le graveur dans la représentation du relief à l'aide de hachures. 

Eclimètre dont se servaient les officiers cartographes:

Cercle d'alignement (à gauche) et théodolite à basculement (à droite) utilisés par le génie:

   

Réalisés par des graveurs, les feuillets étaient gravés sur cuivre, pour être édités. La carte ne fût achevée que vers 1880, la première carte publiée étant celle de Paris, la dernière celle de Corte.

La projection utilisée est celle de Bonne, dont la caractéristique essentielle est d'être équivalente, c'est à dire qu'une surface sur le plan correspond à la même surface sur la sphére terrestre. Son inconvénient était de ne pas être conforme, c'est à dire qu'un angle sur le plan ne correpond pas à un angle sur la sphére. C'est la raison pour laquelle on décida de l'utilisation de la projection de Lambert en 1898, pour chaque révision des cartes, en utilisant le nouveau système géodésique français NTF.


Généralités: Ces cartes de 0,5mx0,8m, au 1/80000, représentent des rectangles de 40x64km. La France est ainsi quadrillé par 267 cartes d'état-major, désignées par leur numèro ou bien par le nom de la localité la plus importante:

Le numèro de la carte est placée en haut à droite, avec les chiffres de la tranche et de la colonne considérée. Le cadre d'ornement contient deux échelles de latitude et de longitude, une en grade, l'autre en degrés. Naturellement le méridien d'origine est celui de Paris. En bas à droite on trouve les noms des graveurs, et en haut à gauche le nom des officiers ayant fait les relevés.


Planimétrie: il s'agit de la représentation de ce que l'on trouve au sol: routes, bois, maisons, etc. Naturellement on fait usage de signes conventionels pour représenter les détails trop petit pour être dessinés à l'échelle:

 

 


Nivellement: il s'agit de la représentation des mouvements du sol, ce qui permet de reconnaitre les hauteurs, vallées, montagne, etc. La référence pour les points cotés est le niveau moyen de la mer à Marseilles (cote 0, décision de 1860). La carte d'état major utilise les points cotés et les lignes de niveaux, à l'instar des notres. Elle utilise en plus un système de hachurage pour représenter le relief, système utilisé en pays peu mouvementé, car les courbes de niveaux ont alors tendances à se confondre avec les chemins et routes:

les hachures représentent les lignes de plus grande pente et sont normales aux courbes de niveaux sur lesquelles elles s'appuient (lignes équidistantes de 20 m en plaine et 40m en montagne, et distinctes des autres courbes de niveaux). Elles sont écartées les unes des autres du quart de leur longueur et ont toutes une épaisseur constante, ce qui fait que plus la pente est raide, plus le dessin parait noir. Cette loi du quart, donnant des résultat dissemblables suivant les graveurs, des teintes trop claires en plaine et trop foncées en montagne, on a adopté en 1853 un diapason (du au commandant Hossard), réglant les proportions de blanc et de noir suivant les différentes pentes. Cela a permis de donner des tons corrects aux différentes pentes et reproductibles.


Echelle: L'échelle usuelle de la carte d'état major française est le 1/80000. Des échelles graphiques graduées en m permettaient de prendre plus rapidement les distances. L'échelle de droite mesure les milliers de mètres, celle de gauche les dizaines de mètres.


Utilisation: Plutôt chères, le plus souvent seul le capitaine de la compagnie avait une carte d'état major. Il était dés lors indispensable de savoir copier la carte, faire des agrandissement ou des réductions à la main, ceci pour donner des ordres plus clairs ou établir des rapports.  Bien sûr quelques symboles étaient en usage:

 Militairement on parle de terrain :


Devenir de la carte: Lors de l'entrée en guerre les armées ne disposaient guère que de la carte d'état-major au 1/80000 utilisant la projection de Bonne et de quelques cartes locales au 1/20000. Si avec la guerre de mouvement l'artillerie tirait à vue, avec la guerre de position l'artillerie eut à tirer sur des objectifs invisibles dont seule la position géographique probabale était connue. Le service géographique de l'armée adopta donc le 18 juin 1915 une projection Lambert Nord de guerre pour le front de l'est et une projection Lambert sud de guerre pour la région de Belfort et Montbéliard. Une série de cartes conformes furent réalisées par augmentation photographique par le service géographique de l'armée, à l'échelle de 1/20000, 1/10000 et même 1/5000. Les installations amies et ennemies y sont notées: en rouge les ennemies, en bleu les amies, en noir tout le reste. 274 feuillets furent ainsi produits. Aprés la guerre le choix français pour les cartes devint définitivement le Lambert.

Sources: L'infanterie en un volume, Manuel d'instruction militaire - Librairie Chapelot - 1914
L'aventure cartographique - Jean Lefort - Belin Pour la science - 2004