CHARLES PEGUY

« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. [...]
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles,
Couchés dessus le sol à la face de Dieu [...]
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés »

<= L'armée française de l'été 14

Né à Orléans en 1873, Charles Péguy était un poète, écrivain et essayiste français. Venant d'un milieu modeste, élevé par sa mère et se grand-mère, une bourse lui permit de faire des études, de passer son baccalauréat (1891) et d'intégrer l'école normale supérieure (1894). Il effectue son service militaire entre temps au 131° RI, de septembre 1892 à septembre 1893.

Ayant échoué à l'agrégation de philosophie, il fonde une librairie prés de la Sorbonne qui devient le quartier général du mouvement dreyfusiste. Aprés la quasi faillite de celle-ci en 1900, il fonde les cahiers de la quinzaine, revue destinée à faire connaitre ses propres oeuvres et à faire découvrir de nouveaux écrivains. N'ayant jamais dépassé les 1400 abonnés, revue à parution trés irrégulière, sa survie fut toujours précaire. 


Intellectuel engagé, dabord républicain et patriote, puis socialiste, devenu anticlérical et chantre du dreyfusisme, il renoue pourtant avec la foi catholique vers 1908 et se rapproche des milieux conservateurs, sans jamais renier son passé: Il restera toujours dreyfusard et se préoccupa toujours des questions sociales.

Politiquement, il fut trés longtemps proche de Jaurés, avant de le considérer comme un traitre à la nation et au socialisme (Notamment parce qu'il faisait des concessions doctrinales au marxiste Jules Guesde). Sa conception de la France était qu'elle était le fruit d'un peuple et d'une terre irriguée depuis des siècles par le christianisme. Son retour à la foi catholique se manifestera dans ses ouvrages; l'Eglise dont il attaque l'autoritarisme reste méfiante, ainsi que les socialistes, dont il critique l'anticléricalisme et le pacifisme, réél ou supposé. 

Ecrivain mystique, il part deux reprises à pieds en pélerinage à Chartres, en 1912 et 1913. L'œuvre de Péguy a toujours célébré les valeurs traditionnelles de l'homme : son humble travail, sa terre, sa famille. Ce sont là les premières valeurs défendues par son patriotisme. il dénoncera toujours avec véhémence le monde moderne et ceux qui l'incarnent. 

Avec les années il devint un catholique à part, un socialiste et un nationaliste à part, un homme seul. Socialiste qui n'adhère pas à la lutte des classes, proche des syndicalistes révolutionnaires mais ne parlant jamais de grèves générales, nationaliste mais toujours opposé fermement à tout antisémitisme et toujours témoignant de son admiration constante pour Israël. 

Péguy reste néanmoins un de nos grands écrivains, à la prose souvent sublime, l'homme et l'oeuvre gardant une unité secrète. 

C'est suite au coup de Tanger qu'il considère que tout doit être subordonné à la défense de la patrie menacée. A deux reprises, en 1905 et 1911 il croît la guerre imminente, et se prépare à partir. En Août 1914, il part pour de bon.

Le lieutenant Péguy lors d'un rappel:


La guerre: Charles Péguy est du 19° bataillon, du 276°RI de la 55° division de réserve. Il fait parti des troupes que Joffre prélève en Lorraine pour soutenir Maunoury. Embarqué à Lérouville le 28, il débarque le lendemain dans l'Oise. Le 30 il soutient un accrochage, mais doit retraiter au sud à cause de l'avance allemande, et traverse la forêt de chantilly le 2. Le 3 et 4, la section est au nord de Paris, en marche en direction de Meaux, l'armée de Maunoury allant en effet prendre position sur l'Ourcq, conformément aux ordres de Gallièni.

Dans l'aprés midi du 5 septembre 1914, les premiers accrochages de la bataille de la Marne ont lieu avec la 55° division de réserve, devant Monthyon, sur la route de Meaux à Senlis. Le 276° est de la partie prés du village de Villeroy. Son 19° bataillon reçoit l'ordre d'avancer pour dégager la brigade marocaine prise à partie sur la droite. Progressant par bonds successifs au milieu des champs elle perd ses officiers les uns aprés les autres, la moitié des hommes est fauchée. Seul officier encore debout le lieutenant Péguy dirige le tir jumelles à la main, lorsqu'une balle l'atteint en plein front. Il tombe sur le coté dans une plainte sourde. 

Il meure à quarante et un ans sous les plis du drapeau. Il laissa un souvenir inoubliable à ses hommes. 

Tombe du Lieutenant Péguy et de 200 de ses camarades, à Villeroy:


Mémorial actuel à Villeroy:


Sources: La belle époque - Michel Winock - Tempus - 2003
Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France - Michel Winock - 1982
Article de wikipedia sur Charles Péguy