BREF HISTORIQUE DES FORTIFICATIONS

DES PREMIERS FORTS BASTIONNÉS AU SECOND EMPIRE

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Les débuts de la fortification bastionnée: Vers 1450, avec les progrés de l'artillerie, les boulets de fer ruinent les maçonneries. On se contenta dabord d'augmenter quand c'était possible dans des proportions considérables l'épaisseur des murs, on songea à des artifices de constructions comme des murs évidés avec système de voutes accolées, mais il fallut bientôt revoir tout l'art des fortifications. On revint à la méthode romaine, en donnant aux murs des masses d'appui entièrement en terre (remparer le mur), ce qui permettait aussi de placer les canons. Pour diminuer la hauteur nécessaire des murs, on songea à utiliser le fossé d'où venait les terres, en fortifiant aussi le coté opposé, ce qui avait aussi l'avantage de dissimuler une grande partie des maçonneries aux feux de l'assaillant:

Le fossé avait l'inconvénient d'isoler le défenseur de la campagne et de lui interdire les sorties. On remédia à cet inconvénient en munissant l'extérieur du fossé d'un chemin couvert.

Au début les hommes étaient protégés par des parapets de maçonnerie. Mais comme les éclats de pierres pouvaient être trés dangereux, on adopta plus tard des parapets faits d'épaiseurs de terres trés conséquentes, avec une légère pente permettant de tirer en dessous de l'horizon. Le remblai était toutefois soutenu par de petits murs peu épais, à l'avant comme à l'arrière. Aux endroits où l'infanterie devait tirer on aménageait pour cela des banquettes:

On devait naturellement pouvoir utiliser le nouveau moyen de défense que constituait l'artillerie. Celle-ci tirait à découvert ou sous casemate, dabord depuis les tours qu'on avait rempli de terre. Pour le tir sous casemates on utilisa dabord des cannonières (ci-dessous à gauche), sortes d'ouvertures étroites, puis des embrasures évasées vers l'extérieur et augmentant le champs de tir (ci-dessous à droite). Le tir sous casemates avait l'inconvénient du manque d'aération, aussi lui préféra t-on rapidement le tir à découvert.

   

C'est notamment en cherchant à tirer à découvert hors des tours que l'on en vint progressivement à la fortification bastionnée, dabord en adoptant une forme ronde (favorisant le ricochet des boulets), parfois une forme de V renversé en avant de l'enceinte. Ces bastions pouvaient d'ailleurs être implantés à l'intérieur comme à l'extérieur de l'enceinte. A l'intérieur de l'enceinte les bastions devaient avoir une position trés dominante, d'où leur nom de cavaliers.

Une deuxième cause de la construction bastionnée était qu'on ne pouvait supprimer l'angle mort à l'aide de machicoulis, comme sur les forteresses du moyen-age, à cause du parapet en terre. Cette construction permettait justement de flanquer les fossés. Trois possibilités ont été utilisées: le tracé en crémaillère (gauche) et le tracé en tenaillé (droite) n'offrent qu'un flanquement incomplet. Le tracé bastionné proprement dit (dessous) permet d'obtenir un flanquement réciproque et complet. 

D'autre part, pour éviter les zones de feux inexistants et pour palier à la faible portée des armes, on songea rapidement à réaliser des ouvrages extérieurs (demi-lunes, etc.).


La fortification bastionnée classique: Ce sont les italiens qui inventèrent les fortifications bastionnées au XVI° siècle, avec hauteurs abaissées et fortifications enterrées. En France c'est Vauban (1633-1707) qui va doter le pays d'un pré carré, réseaux de citadelles protégeant les frontières, en reprenant le système bastionné et en l'améliorant. Il persuade le roi d'entreprendre ces travaux aux frontières tout en démantelant les forteresses situées à l'intérieur du pays, d'une part pour libérer des troupes, d'autre part pour éviter qu'elles ne servent de point d'appui à une révolte (e.g. fronde, conflit à caractère religieux, etc.). Notons qu'à l'époque il était surtout connu pour ses attaques de forteresses ennemies, plus que pour ses constructions. 

Schéma type d'un fort bastionné:

Définitions:

Bien que Vauban n'ait pas écrit de traité sur les fortifications, et qu'il s'est attaché à adapter ses idées à la situation et aux terrain en essayant de toujours améliorer son art, ses collaborateurs ont rattachés ses tracés à trois systèmes successifs. Cette classification est néanmoins commode.

Premier système Vauban - Lille 1667 - Maubeuge 1678 - Toulon 1679 - Strasbourg 1681:

Deuxième système Vauban - Belfort 1684: dans le second et troisième système Vauban s'est attaché à assurer l'indépendance des diverses parties d'une enceinte, en particulier l'enceinte de combat (défense éloignée) et l'enceinte de sûreté (défense rapprochée)

Troisième système Vauban - Neuf Brisach 1698: dans ce système les bastions et demi-lunes ont de plus grandes dimensions, organisées pour la lutte lointaine. Les courtines ont un tracé bastionné. 

Différents types de pont-levis:

Dans les forteresses de l'époque on pouvait trouver aussi des citadelles, ouvrages distincts de l'enceinte et qui servait à prolonger la défense de la place au cas où l'enceinte serait prise, ou bien à maitriser la population en cas d'hostilité de sa part. On trouvait aussi des ouvrages détachés dont le rôle était d'occuper des positions stratégiques ou dangereuses pour la défense.


L'évolution du système bastionné - fin XVIII° début XIX° siècle: Ce tracé immortalisé par Vauban sera à peu prés exclusivement employé du XVI° siècle jusqu'à la fin du XVIII° siècle, où des critiques se firent entendre, notamment celles du marquis de Montalenbert. ce sont néanmoins les progrés de l'artillerie qui vont ruiner le système Vauban, dont le plus grave inconvènient est sans doute que les défenseurs et leurs matériels sont entièrement à découvert. Montalenbert préconise entre autre l'emploi de casemates pour l'artillerie destinée à la lutte lointaine ainsi que la multiplication des abris de combat pour le personnel. Il a aussi été le premier à préconiser l'emploi de forts détachés pour défendre une place.

Le général Haxo (1774-1838), général du premier empire, a repris certaines idées de Montalenbert. Ayant travaillé aux fortifications de Lyon, Dunkerke, Grenoble, Paris, il inventa un certain type de casemate pour l'artillerie. 

Néanmoins, jusqu'à l'adoption des canons rayés, le défilement des vues put suffire pour protéger efficacement les escarpes, et les modifications des tracés des forteresses furent de détail et guère de principes.

Fortifications de Paris (1840-1848): On eut recours à un projet de Vauban de 1708. Une première enceinte (assez faible) ceinture Paris et devait mettre la capitale à l'abri d'une surprise. Elle est composée de 94 fronts bastionnés, 67 sur la rive droite de la seine et 27 sur la rive gauche. Le tracé, fait de cotés extérieurs de 350m, ne comprends aucun dehors. Une deuxième ceinture de forts bastionnés sur 4 ou 5 cotés, 10 sur la rive droite de la seine, 6 sur la rive gauche, distants de 1,5 à 5km de la première enceinte, compléte le dispositif.


Evolution due à l'artillerie rayée - 1860 à 1870: Avec les canons à âme lisse, on ne pouvait détruire les maçonneries qu'avec des tirs directs et de plein fouet. De même les fusils à canon lisse se chargeaient par la bouche et n'avaient qu'une faible portée.

L'adoption du canon rayé vers 1860 entraina une augmentation considérable de la portée, de la précision et de la puissance. Le tir plongeant était dés lors possible (même si le tir à ricochet était désormais impossible à cause de la rotation du projectile), ce qui imposa de profondes modifications à l'art de la défense. La même évolution eut lieu pour les fusils, désormais à canons rayés et se chargeant par la culasse. Le développement des chemins de fers ajouta à tout ceci de faciliter les transports de troupes et de matériels de siège.

L'organisation nouvelle des forteresses eut pour principal objectif la résistance au bombardements, devenus particulièrement redoutables. On multiplia donc casemates et abris. 

Une des solutions retenus fut d'adjoindre à l'enceinte des villes une ceinture d'ouvrages détachés. La lutte éloignée d'artillerie devint en effet prépondérante, la lutte rapprochée pour chasser définitivement le défenseur de sa position, toujours nécessaire, devint secondaire. Le tracé des forts se simplifia grandement, car d'une part les longues faces et les longs flancs sont devenus intenables sous le feu de l'artillerie, d'autre part les perfectionnements des fusils rendaient le flanquement nettement plus efficace. 


Evolution due à l'artillerie rayée aprés 1870: Aprés la guerre de 1870 l'artillerie à canon rayée reçut deux perfectionnements: la construction du fût en acier et le chargement par la culasse, augmentant encore plus considérablement la puissance. 

La nouvelle commission ayant reçu en 1874 la mission de réorganisation de la fortification permanente aux frontières et dirigée par le général Séré-de-rivière, allait devoir innover:

=> cf. le système de fortifications Séré de rivière


Sources: Cours de fortification - Ecole militaire de l'artillerie - 1912