LA PROPAGANDE DANS LA GRANDE GUERRE

<= L'armée française de l'été 14


Il faut bien se pénétrer de ce que fut cette institution de la propagande pour comprendre les difficultés que les historiens de l'avenir auront à surmonter pour écrire l'histoire de la grande guerre. Je crois qu'en aucun siècle on n'a aussi ouvertement travesti la réalité que dans la période que nous venons de vivre. La lutte formidable engagée entre deux groupes de nations a exigé l'emploi de tous les moyens d'attaque et de défense. L'arme morale ne pouvait être négligée. Gagner la sympathie des neutres, recevoir d'eux l'appui matériel qu'on pouvait en attendre, tout en les persuadant de les refuser aux adversaires, réussir enfin à les jeter à leur tour sur l'ennemi, chacun des groupes alliés donnèrent respectivement ces divers buts à leur activité. Par un souci du point de vue du droit, bien étrange dans ce déchaînement de la force brutale, on s'efforça d'abord de rejeter sur l'adversaire la honte d'avoir été l'agresseur. Mais l'intérêt primant le sentiment dans les décisions des peuples, l'essentiel fut, pour chaque belligérant, de persuader les neutres qu'il était le plus fort. De là une action de propagande parallèle et contradictoire, menée vigoureusement des deux côtés, dont les neutres restérent longtemps vacillants et perplexes
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La propagande intérieure, destinée à entretenir le moral de la nation, avait dans ses moyens l'admiration sans réticence ni restriction. Comment donner confiance au pays si l'on ne lui persuadait que tout allait pour le mieux, que ses chefs étaient sans défauts, que tout ce qu'on entreprenait réussisait. La censure venait en aide à la propagande en tempérant la vivacité des critiques ou en les supprimant. De là un optimisme officiel, endormeur, des habitudes d'exalter le mérite au dessus de sa valeur réelle, de masquer le laid et le médiocre, d'excuser l'erreur, de là une franmaçonnerie d'indulgence et d'aveuglement propre à étouffer le sentiment de la vue exacte des choses et à atrophier le bon sens
- Jean de Pierrefeu - Plutarque a menti - 1923 - Les Historiens de la guerre


Avis, placards, affiches, tracts: Au début du XX° siècle, les avis et placards sont encore un moyen de communication essentiel utilisé par les autorités civiles ou militaires. Imprimés en grand nombre, ils sont affichés dans les lieux publics et les endroits fréquentés pour y être vu de tous. On pense naturellement dessuite à l'affiche de mobilisation générale ou encore à celle de Galièni, mais ce média fut trés largement utilisé durant toute la guerre.

Les affiches quant à elles utilisent l'image comme vecteur d'information. Leur utilisation s'impose au cours du conflit à des fins de propagande, pour entretenir la mobilisation des civils, notamment lors des grands emprunts pour la défense nationale. 

Les tracts quant à eux sont devenus l'outil par excellence de la propagande de masse. Les autorités militaires assurant leur rédaction et leur diffusion, les tracts innondent le front et l'arrière, notamment grâce aux avions et aux projectiles lance-tracts qui répandent vérités et contre-vérités.

Voici enfin une nouvelle, passant de journaux en journaux, donnant un résultat assez édifiant (cité par Jean Galtier Boissière - La Grande Guerre):

Lorsqu'on connut la chute d'Anvers, on sonna les cloches - Koelnische Zeitung

D'aprés la "Koelnische Zeitung", le clergé d'Anvers fut invité à faire sonner les cloches des églises lorsque fut prise la forteresse - Le Matin

D'aprés ce que "Le Matin" a appris de Cologne, les prétres belges, qui refusèrent de sonner les cloches lorsqu'Anvers fut prise, ont été révoqués - The Times

D'aprés ce que "Le Times" a appris de Cologne, via Paris, les infortunés prétres belges, qui refusèrent de sonner les cloches des églises lorsqu'Anvers fut prise, ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité - Corriere Della Serra

D'aprés une information du "Corriere Della Serra", de Cologne, via Londres, on confirme que les conquérants barbares d'Anvers ont puni les infortunés prétres belges, qui avaient héroïquement refusé de sonner les cloches, en les accrochant comme des battants vivants dans les cloches, la tête en bas - Le Matin


Actualités filmées: Les bandes d'actualités apparaissent sur les écrans français en 1908, et en 1914 elles occupent déjà une place substantielle dans tous les cinémas. En 1915, sous l'impulsion des industriels du cinéma, l'armée crée une Section Cinématographique de l'Armée (SCA), dont le rôle est notamment la propagande tant en France qu'à l'étranger. Les premiers temps on ne filme pas sur la ligne de feu, pour des raisons techniques et de sécurité. On voit seulement des explosions au loin. C'est lors de la bataille de la somme que pour la première fois des opérateurs intégrés aux unités combattantes réussisent à filmer un véritable assaut. La grande guerre devient ainsi une des premières à être filmée!